Motion de la section 71 (Sciences de l’information et de la communication) du Conseil National des Universités votée le 16 novembre 2020

Motion de la section 71 (Sciences de l’information et de la communication) du Conseil National des Universités votée le 16 novembre 2020

17 novembre 2020 0 Par Igor Babou

CNU 71 motion 16 10 2020

Les membres de la 71ème section du CNU, tiennent à exprimer leur profonde indignation au sujet des manoeuvres législatives survenues lors de l’examen parlementaire de la Loi de Programmation sur la Recherche (LPR) que le gouvernement, sa majorité parlementaire LREM, et les partis politiques de droite, ont décidé d’imposer à la communauté universitaire contre l’avis majoritaire et transpartisan de celle-ci. Les mensonges et les dissimulations de la ministre de l’enseignement supérieur se sont multipliés depuis un an pour aboutir à des modifications décisives dans le mode de recrutement des universitaires qui n’avaient jamais fait l’objet de consultation et d’annonce officielle, et dans la remise en cause des franchises universitaires.

En signe de protestation et dans l’attente d’un rétablissement général des procédures de qualification, les membres de la section CNU 71, solidaires du très large mouvement de contestation décident :

  • La suspension immédiate de toutes les activités relatives au CNU (nomination des rapporteurs, tenue des sessions plénières de qualification et de CRCT…).
  • La cessation de toute participation dans les procédures impliquant le HCERES (refus individuel de participer aux comités, refus de désigner des représentants du CNU dans les comités).
  • La cessation de toute participation dans les différents jurys (bac, concours) qui ne relèvent pas du coeur des fonctions des enseignants-chercheurs.

Face à cette attaque contre la communauté académique, la 71e section du CNU dénonce donc le silence et l’indifférence du Ministère face à toutes les motions et les très nombreux textes – riches en contre-propositions – produits par la communauté universitaire (par les sections CNU, par la CP-CNU, par les associations disciplinaires académiques, par les syndicats) faisant état de leurs critiques du projet de loi. Cette fin de non-recevoir confirme combien la Ministre reste sourde à la voix de la majorité de celles et ceux qui exercent au sein même des universités et des laboratoires de recherche et combien elle fait fi d’un des principes fondateurs de l’Université, la collégialité.

Nous dénonçons les modalités par lesquelles des amendements d’une importance considérable pour l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche ont été déposés par un sénateur inscrit en thèse et n’ayant jamais réussi à finir son doctorat, et ont été votés par le Sénat le 27 octobre puis par la Commission Mixte Paritaire le 9 novembre.

Alors que la ministre se targue d’avoir « largement consulté » la communauté académique et d’avoir agi en toute transparence, ces dispositions qui réforment profondément les modalités de recrutement à l’université (plus de qualification au rang PR, « expérimentation » de possibles recrutements de MCF sans qualification) n’ont jamais fait l’objet d’une discussion officielle en Conseil des ministres, au Conseil d’État, au CNESER, avec les syndicats ou la CP-CNU. La communauté universitaire est mise devant le fait accompli de façon brutale, alors que les règles de confinement interdisent (à priori) les manifestations de rue pour montrer l’ampleur de la mobilisation contre ces amendements scélérats dont la sécurité juridique est incertaine.

Cet état de fait est une illustration emblématique d’un mensonge politique éhonté de la part de Madame Vidal. Dans une tribune lénifiante, parue le 10 février 2020 dans le journal Le Monde, pour anesthésier la mobilisation en cours, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation écrivait : « Suppression ou mise en extinction du corps des maîtres de conférences, suppression du Conseil national des universités (CNU), (…) On prête au gouvernement toutes les intentions, sans jamais prendre la peine de lire ce que le président de la République, le premier ministre et moi-même avons d’ores et déjà indiqué. Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir dit expressément que les propositions formulées par tel ou tel dans le cadre de la préparation de la loi de programmation ne préjugeaient en rien de la position du gouvernement. Je le dis donc très clairement : aucune de ces réformes n’est à l’ordre du jour. Au demeurant, elles n’auraient aucun sens ».

Nous sommes en effet convaincus que cela n’a aucun sens et que la qualification des deux corps doit être assurée par l’instance nationale qu’est le CNU, véritable représentante scientifique des sections disciplinaire car élue par ses membres. Par la mise en place de critères exigeants, transparents et démocratiques dans l’évaluation des dossiers, elle est un gage de qualité et d’équité dans l’attribution des qualifications.

Laisser cette responsabilité aux seules universités ne garantit en rien le respect de telles exigences. Cela ouvre la porte à de nombreuses dérives remettant en cause le caractère national des concours, tels que le localisme ou le clientélisme, avec des recrutements conditionnés au bon vouloir des équipes présidentielles locales et donc à leurs propres critères. Seul le double système articulant le national (qualification) et le local (recrutement) est susceptible d’établir un équilibre garantissant la qualité et la liberté de la recherche.

Nous dénonçons également l’amendement qui remet en cause la tradition séculaire des franchises universitaires en créant un délit d’entrave pour les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les différentes interprétations possibles de l’amendement constituent un risque d’atteinte à la liberté d’expression et aux libertés syndicales.

Nous dénonçons enfin la rhétorique de « l’expérimentation » qui vise là aussi à anesthésier les consciences, en prétendant qu’un retour en arrière est possible et en laissant croire que cela n’est pas si grave. Prendre une mesure intolérable à titre expérimental ne la rend pas moins intolérable !

Pour toutes ces raisons, la section invite les présidences d’établissement et la CPU, si elles ne se montrent pas solidaires de notre action collective, à prendre toute la mesure des conséquences du report sur les établissements de la charge de travail et de la régulation de la gestion des promotions et de la PEDR, si les sections n’avaient d’autre choix que de suspendre leurs travaux en la matière.

Face à cette situation gravissime, la section appelle :

  • les collègues et les organisations représentatives de la section 71 à se mobiliser et à
    participer à toute action jugée utile pour faire connaître leur attachement à une procédure de
    qualification nationale.
  • les élus des conseils centraux académiques à prendre publiquement position contre cette loi,
    en votant au plus vite un refus de principe d’utiliser les « expérimentations » de recrutement
    prévues par cette loi, si jamais elle devait être votée en l’état.
  • Les collègues titulaires, futurs membres de comités de sélection, de résister par tous les
    moyens en exigeant dans les comités de sélection que les candidats soient qualifiés.