Soutien au Laboratoire Ecologique Zéro déchet de Noisy Le Sec

Soutien au Laboratoire Ecologique Zéro déchet de Noisy Le Sec

21 novembre 2018 1 Par Igor Babou

Comme je l’indiquais ici, je mène depuis quelques mois une ethnographie (participante) dans un squat écologiste à Noisy Le Sec. Ce lieu d’expérimentation sociale et écologique s’appelle “Laboratoire Ecologique Zéro déchet“. Il met en œuvre bien des aspects considérés comme vertueux dans une perspective de transition écologique : principe de réduction drastique de la production de déchets, recyclage et remise en circulation après réparation d’objets manufacturés ou de vêtements, solidarité sociale avec les plus démunis, sensibilisation à l’environnement, mise en place de circuits courts entre consommateurs et agriculteurs, etc. Ces principes sont mis en œuvre, de manière très pragmatique, à travers quatre pôles d’activités ouverts le jeudi et le dimanche. Tout d’abord, une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) a été organisée, et elle dispose maintenant d’adhérents, elle organise des visites auprès des agriculteurs, etc. Ensuite, une “gratuiterie” s’est développée et et rencontre un succès phénoménal. Une gratuiterie, c’est un espace où des vêtements et objets sont donnés par des habitants qui ne s’en servent plus, et sont ensuite triés, et mis en rayons (ou sur cintres) afin d’être récupérés gratuitement par celles et ceux qui en ont besoin : cette initiative, qui bénéficie aux habitants, a par ailleurs le mérite de s’accompagner d’un discours sur l’environnement et contre les modes de consommation qui sont les nôtres. La pratique démontre d’ailleurs clairement l’utilité de cette initiative, dans la mesure où j’ai pu constater l’importance quantitative des objets et vêtements neufs, souvent même pas sortis de leur emballage, qui sont donnés à la gratuiterie. Par ailleurs, un atelier d’auto-réparation se développe : chacun peut y apporter des objets à réparer (du vélo à l’ordinateur portable en passant par la plaque de cuisson), et disposer d’une aide à la réparation, ainsi que d’un outillage adapté. Comme pour les vêtements et objets de la gratuiterie, l’idée est de limiter le cycle “achat, usage, détérioration, poubelle, nouvel achat” des objets manufacturés en permettant aux personnes fréquentant l’atelier de se doter de compétences en réparation. Enfin, une cuisine à prix libre est présente, et permet aux nombreux habitants qui fréquentent le lieu de déguster des tisanes et diverses spécialités préparées de manière bio, au prix qui convient à leurs ressources économiques. L’ensemble du lieu est accueillant et spacieux, et dispose de nombreuses tables et chaises (toutes récupérées via des dons) où venir s’installer pour discuter, jouer aux cartes ou aux échecs, participer aux ateliers divers et variés qui sont proposés, lire des livres ou des BD, accompagner en famille les jeux des enfants, etc. Le lieu est enfin ouvert aux associations locales qui manquent d’espace pour mener à bien soit leurs réunions en AG, soit tout simplement leurs activités.

Les habitants et associations n’ont donc pas tardé à repérer cet endroit, et à le fréquenter de manière régulière, active et en nombre : depuis des mois que j’observe la fréquentation du LEO, j’ai compté entre 30 et 70 personnes à chaque ouverture, ces personnes restant souvent plusieurs heures, y revenant régulièrement, y amenant des amis et des enfants. Chacune des personnes interrogées m’a expliqué que le LEO répondait à un manque de lieux de convivialité et de débat public à Noisy Le Sec et au-delà.

Ce qu’il faut savoir, c’est que ce lieu, une ancienne entreprise d’imprimerie, est fermé et vide depuis 10 ans, l’entreprise ayant fait faillite. Ce qu’il faut aussi avoir en tête, c’est que les animateurs du LEO, 3 personnes seulement, ont vainement tenté d’obtenir des rendez vous auprès des élus locaux du 93 lors de leur quête d’un lieu à investir pour y mener leur expérimentation. Ils ont donc, en désespoir de cause, opté pour le squat de ce grand bâtiment inutilisé à Noisy, qu’ils ont entièrement nettoyé au karcher, et vidé des déchets qui s’y étaient accumulés faute d’entretien par les services de la mairie ou par les anciens propriétaires.

Seulement, le maire de Noisy Le Sec ne l’entend pas de cette oreille : il a décidé, sans jamais tenter de comprendre ni d’accompagner les activités du LEO, de le faire expulser en raison d’un projet immobilier : un de plus dans la vaste entreprise de bétonisation dont le 93 est la victime depuis les années 1960… Je peux témoigner, après plusieurs mois d’enquête sur ce lieu, que l’objectif de ses animateurs n’est, contrairement aux affirmation du maire de Noisy, aucunement un “prétexte” cachant une volonté d’ “être logés gratuitement” : il s’agit bien d’une expérimentation écologiste et sociale bénéficiant avant tout aux habitants de ce quartier populaire. Je précise enfin que les animateurs du LEO m’ont toujours dit, depuis le début (avant même d’être menacés d’expulsion) qu’ils rendraient les lieux sans aucun problème si jamais un projet d’utilisation y voyait le jour.

La situation est donc caractéristique de ce qui se passe dans toutes les strates sociales du pays : face à des initiatives originales menées par des habitants – disons par de “simples citoyens” –  allant dans le sens d’une véritable transition écologique, ce qui est nécessaire et urgent dans le contexte de la grave crise climatique et environnementale que nous subissons, c’est la sphère politicienne qui est le principal facteur de blocage en raison de ses positionnements idéologiques et de son refus de laisser la population s’organiser. Joëlle Le Marec et moi-même avions déjà attiré l’attention sur ce problème, qui se trouve ici actualisé à nouveaux frais dans le contexte d’une banlieue populaire en manque d’infrastructures de proximité.

C’est pourquoi, quittant très volontiers la neutralité de l’observateur, je vous incite à signer comme je l’ai fait la pétition en soutien au LEO qui a déjà recueilli plus de 1000 signatures.