CatégorieRéflexions
Rien n’arrête un peuple qui danse
9 juillet 2021 0 Par Igor Babou Voilà des images du teknival de Redon, avant l’arrivée de la police mandatée par la préfecture, et accompagnée du GIGN. Les images montrent une foule peu nombreuse, pacifique et joyeuse. Mais comme ce public s’inscrit dans un mouvement libertaire adepte d’un art non marchand, les serviteurs du libéralisme – l’État, donc, et ici plus précisément la préfecture et la police – ont jugé utile de châtier ces dangereux terroristes amateurs d’art dégénéré : deux hélicoptères, 1600 gendarmes armés jusqu’aux dents ainsi que des espions infiltrés ont été mobilisés, le tout payé par nos impôts. Plus de 7 h d’attaque au gaz et à la grenade explosive ont alors fait de nombreux blessés parmi le public, dont un blessé très grave, qui a eu la main arraché, et dont la préfecture a empêché la prise en charge par les services d’urgence. Des journalistes ont également été empêchés d’accéder au site pour couvrir l’événement. Voilà où l’on en est en France. Si j’insiste si lourdement sur ces heures sombres de notre actualité, c’est qu’elles illustrent parfaitement l’irrésistible ascension de pratiques fascistes au sein même de l’appareil d’État : on parle en effet de châtiments extra-judiciaires, de non assistance à personne en danger de mort, de censure de l’information et de destruction volontaire et illégale de biens privés : le matériel musical – je veux dire : de simples instruments de musique et de sonorisation – a été détruit à la hache et à la masse ! Mais vous vous rendez compte ? La police française, sous commandement préfectoral, détruit des instruments de musique à la hache et coupe la main d’un jeune de 22 ans à la grenade sous prétexte qu’il assiste à un festival techno, en France, en 2021, lors d’un week-end de fête de la musique ! Tout ça réalisé par des fonctionnaires de police, dépendant d’une chaîne de commandement remontant jusqu’au ministère de l’intérieur via la préfecture. On parle de l’interdiction d’un type de pratique musicale et festive jugé nuisible par les autorités, comme à l’époque où un certain Doriot stigmatisait les « zazous » adeptes de jazz.
En France, on a un exécutif qui se dit libéral mais qui agit totalitaire. Ce qui est un signe flagrant de déclin du pays, c’est le mutisme (ou le quasi mutisme) de la scène culturelle et intellectuelle face à ces remugles fascisants, ainsi que le désintérêt des médias mainstream et des journalistes : que faudrait-il de plus que ce qui s’est passé avec les Gilets, Jaunes, avec Adama Traoré, avec Rémi Fraisse, avec Steve Maia Caniço et maintenant avec le teknival de Redon pour que l’on assiste enfin à un sursaut moral ? Des chars dans la rue ? Des exécutions d’intellectuels ou des ouvriers abattus à la mitrailleuse ?
On se contente de crier au loup avec Le Pen, comme si les idées de Le Pen n’étaient pas déjà en actes dans la politique des divers gouvernements au pouvoir depuis 2007.
Le silence des pantoufles de la classe moyenne éduquée française est un signe clair d’adhésion à ce qui se passe, sa lâcheté et sa servilité sont écœurantes.
Mais comme le disent les teufeurs dont je fais partie et avec qui je partage bien des histoires et une culture que je revendique : rien n’arrête un peuple qui danse !