Soutenir les universitaires et enseignants turcs

Soutenir les universitaires et enseignants turcs

22 juillet 2016 0 Par Igor Babou

On le sait, il vient d’y avoir une tentative de coup d’État en Turquie. Ce qu’on sait également, c’est que cette tentative est largement instrumentalisée par le pouvoir turc dans le cadre de l’instauration d’un pouvoir autocratique, brutal, et se moquant des droits de l’Homme. Et ce qu’on sait également, enfin, c’est que des journalistes, des enseignants, des universitaires, des juges, et tout un ensemble d’autres fonctionnaires sont actuellement privés des droits les plus élémentaires. Cela se produit avec une rapidité et une ampleur telle qu’il est évident qu’il s’agit d’une purge largement préméditée : on ne dispose pas de listes de dizaines de milliers de personnes à priver du droit de sortir du territoire, ou à enfermer en prison, sans que ces listes aient été préparées bien en amont de la tentative de coup d’État.

L’état des lieux précis, pour autant qu’on puisse en avoir une idée exacte via la presse ou certains communiqués officiels, semble être le suivant : démission contrainte de plus de 1.500 doyens d’universités, 15200 fonctionnaires suspendus de leurs postes, missions à l’étranger interdites pour tous les universitaires, et quant à ceux actuellement à l’étranger, ils sont rappelés d’urgence. Chacun a pu lire ces nouvelles et ces chiffres qui font froid dans le dos, dans les dépêches de l’AFP, reprises par diverses institutions ou supports d’information ((voir par exemple : http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/purge-dans-l-enseignement-superieur-en-turquie-les-reactions-en-france-se-multiplient.html, ou encore la CPU, qui a pris position récemment : http://www.cpu.fr/actualite/la-cpu-apporte-son-soutien-aux-universitaires-turcs-interpelles/ )). Cette purge n’est, en fait, que la poursuite d’un mouvement de reprise en main autoritaire de l’État bien antérieur à la tentative de coup d’Etat ((voir ici : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/160416/universitaires-pour-la-paix-en-turquie-du-soutien-la-solidarite)), reprise en main autoritaire qui avait déjà donné lieu à des solidarités actives et à des dénonciations publiques de la part d’universitaires français ((https://www.univ-paris1.fr/services/communication/evenements/solidarite-aux-universitaires-turcs/)).

Que faire, à notre niveau, pour être solidaires de ces collègues turcs ? Il y a sans doute des pétitions à signer, mais on sait bien qu’elles ont peu d’impact (( par exemple, celle-ci : http://www.ipetitions.com/petition/the-purge-of-academic-institutions-in-Turkey)). Une autre idée, serait que dans chacune de nos institutions, de nos UFR ou de nos laboratoires, nous prenions nos plumes pour inviter officiellement un universitaire turc à intervenir pour une conférence : avec lettre à en-tête, et argumentaire scientifique. Par exemple sur des sujets concernant la démocratie et le débat public, même si les collègues turcs sont physiciens ou épigraphes, spécialistes des bactéries du sol ou chercheurs en littérature du moyen-âge. L’idée serait de mettre en circulation, publiquement, un ensemble de lettres d’invitation de ce type, évidemment destinées à des collègues ne soutenant pas publiquement l’actuel pouvoir, de manière à rappeler à ce dernier qu’une opinion publique internationale existe et qu’elle n’entend pas, en dépit des vacances ou du bruit médiatique, se désolidariser de ce qui est l’essence de la démocratie et de nos métiers d’enseignants-chercheur, à savoir la liberté de parole, de questionnement critique, et de circulation au-delà des frontières de nos États et de nos institutions.

Merci, donc, aux collègues qui connaîtraient des universitaires turcs de bien vouloir prendre contact avec eux, ou avec des gens de confiance, de manière à envisager avec eux les démarches individuelles ou collectives qui les aideraient ((Chacun peut bien entendu appliquer cette idée simple à d’autres professions : je pars simplement ici du principe qu’en tant qu’universitaire, j’agis là où je suis.)). Merci de ne dresser ici aucune liste qui pourrait avoir l’effet inverse de celui escompté, et qui risquerait de nuire à des personnes qui auraient eu la chance de ne pas avoir été repérées par le pouvoir turc… Compte tenu du contexte, il paraît extrêmement important d’agir, mais aussi d’agir avec prudence et esprit de responsabilité, pour que les invitations ne soient pas envoyées sans un contact préalable en Turquie avec des universitaires dignes de confiance et en évaluant précisément avec eux les termes de l’invitation. Il ne s’agit donc pas d’une pétition à gérer, mais de quelque chose que chacun peut mettre en place à son niveau.