Je travaille principalement sur les relations entre natures, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l’environnement (création et gestions des parcs naturels, inscriptions à l’Unesco, etc.) et sur la démocratie environnementale (participation, plans de gestion des parcs, mobilisations écologistes, désobéissance civile, etc.). Au plan théorique, je me situe à l’articulation du champ de l’ethnologie et de la sémiotique des discours.
Champs géographiques :
- France
- Argentine : principalement la Península Valdés
- La Réunion
- Îles Canaries (Espagne) : principalement l’île de Lanzarote
Types de lieux : Parcs nationaux, parcs régionaux, géoparcs, réserves de biosphère, sites naturels de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, laboratoires de recherche, musées, bibliothèques, squats et friches urbaines, banlieue
Recherches en cours : « Mobilisations environnementales, squats et friches urbaines en banlieue parisienne ».
Rattachement institutionnel :
- Professeur à l’Université Paris Diderot (Paris 7), membre du laboratoire LADYSS (UMR CNRS 7533).
- Depuis 2019 : chercheur associé au Laboratoire PALOC (UMR IRD 208) du Museum National d’Histoire Naturelle.
- De 2015 à 2018, j’ai été chercheur associé au Laboratoire d’Eco-anthropologie et ethnobiologie du CNRS (UMR 7206), dans l’équipe « Anthropologie et politiques de la nature ». Je garde des liens amicaux avec ce laboratoire, mais l’équipe ayant disparu au renouvellement de quadriennal, j’ai choisi de rejoindre le laboratoire Paloc.
- Je suis également chercheur correspondant au Centre Norbert Elias (UMR 8562) de l’EHESS Marseille depuis 2010, dont je suis l’un des membres fondateurs.
Cadre général : mes travaux s’inscrivent dans une évolution qui les a successivement rapprochés de l’analyse sémiotique des discours médiatiques (notamment à l’aide de méthodes comparatives portant sur les musées et CCSTI et sur la télévision), puis du domaine « STS » (« Sciences, Technologies et Société »), avec une prédilection pour l’étude de la vulgarisation scientifique, de la communication dans les institutions scientifiques et les organisations liées au savoir (bibliothèques, laboratoires de recherche, banques d’images), et enfin de la socio-anthropologie des processus de patrimonialisation de l’environnement et des relations entre sociétés et natures.
Les relations entre les sociétés et leur environnement naturel et matériel sont abordées en analysant les savoirs mobilisés et en confrontation, la spatialité des interactions sociales, les dynamiques participatives, la mise en politique de l’environnement, ainsi que les représentations sociales et leur ancrage dans des pratiques. L’analyse des discours des acteurs (institutionnels, associatifs, alternatifs ou individuels) est également un aspect important dans mon travail : dans les situations de controverse environnementale ou de patrimonialisation, des textes, des documents, des images circulent et les médias sont des enjeux de lutte et de coordination pour les acteurs. L’analyse sociologique ne peut donc pas se passer de l’analyse sémiotique des discours.
Au plan empirique : je me focalise sur les parcs inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco car ces territoires permettent d’observer des changements sociaux et environnementaux en lien avec les processus de patrimonialisation, et d’interroger les articulations d’échelles allant du local à l’international, ainsi que les prétentions des acteurs à l’universel (avec la démonstration scientifique de la « valeur universelle exceptionnelle » d’un bien dans le cadre de son inscription sur la liste du patrimoine mondial). Les parcs naturels constituent des territoires où s’investissent fortement des scientifiques (biologie de la conservation, écologie, géologie, etc.) et où leurs actions les amènent à se confronter à des populations locales, porteuses de savoirs ancrés dans leur lieu de vie et d’usages culturels du territoire. Les confrontations de savoir peuvent alors se développer dans les pratiques de patrimonialisation, dans l’élaboration et l’application de principes de gouvernance, mais aussi dans le débat public médiatique.
Dans tous ces contextes, j’étudie les processus de patrimonialisation en mobilisant deux niveaux d’investigation empirique :
- Le niveau des politiques publiques
- Le niveau des pratiques sociales et de leur signification pour les acteurs sociaux
Je m’appuie sur l’analyse du débat public à propos d’environnement, sur celle des pratiques professionnelles locales et internationales de scientifiques mobilisés dans les processus patrimoniaux, des personnels administratifs et des médiateurs de terrain des institutions patrimoniales, des personnels de l’ONF, ou encore des habitants. J’étudie en particulier les dispositifs participatifs dans le contexte des chartes de territoires et des plans de gestion des parcs naturels. J’analyse alors la confrontation des savoirs académiques avec les savoirs locaux (tout en posant un regard critique sur cette distinction), les représentations sociales de l’environnement, les pratiques d’éco-tourisme, les savoirs des habitants, les enjeux identitaires et culturels de la patrimonialisation, etc. Cette analyse passe par la description des jeux d’acteurs, par celle des conflits et des collaborations dans les contextes de patrimonialisation, et par la description des ressources matérielles, culturelles et discursives mobilisées dans l’action par les individus et par les groupes. Il s’agit de décrire la diversité et l’articulation des médiations, symboliques, sociales et matérielles, qui construisent les relations entre nature et culture.
Plus récemment, j’ai commencé à travailler sur les mobilisations écologistes à partir d’un terrain ethnographique situé dans un squat d’une banlieue populaire Est parisienne. Ce type de terrain me permet de contraster avec les terrains fortement institutionnalisés des parcs naturels, tout en gardant un ancrage déterminant dans une problématique de socio-anthropologie de l’environnement.
Inspirations théoriques
Au plan théorique, je me situe à l’articulation du champ de l’ethnologie et de la sémiotique des discours. Depuis ma thèse, mes recherches se caractérisent par leur inspiration pragmatiste, qui puise aux sources du pragmatisme philosophique des origines (Charles S. Peirce) jusqu’à la sociologie pragmatique contemporaine (Francis Chateauraynaud, Daniel Cefaï, etc.). En ce qui concerne la socio-anthropologie de la nature, j’apprécie particulièrement les travaux de Tim Ingold, Eduardo Viveiros de Castro, Eduardo Kohn, Philippe Descola, etc. L’anthropologie politique de Pierre Clastres me nourrit également fortement. Pour l’analyse et la sémiotique des discours, je reste fondamentalement foucaldien : « L’archéologie des savoirs » est un de mes livres de chevet, et « La Sémiosis sociale » d’Eliséo Véron est son prolongement naturel. De ma discipline, je retiens des auteurs comme Yves Jeanneret, Emmanuel Souchier, Joëlle Le Marec, Eliséo Véron, et Jurgen Habermas, parce qu’ils ont placé haut les exigences épistémologiques et parce qu’ils n’ont pas cédé aux sirènes médiacentristes.
Mes recherches ont une dimension à la fois critique, réflexive, et sensible. Critique, car la recherche scientifique ne saurait se réduire à une description technicienne du monde tel qu’il est : l’université peut et doit avoir des objectifs d’émancipation et de critique sociale, sans quoi elle trahit ses missions, son histoire et ses valeurs. Réflexive, car tout chercheur participe de la situation qu’il observe, et de la société dans laquelle il vit et où il diffuse ses travaux. La réflexivité, tout comme l’exigence critique, s’étend du plan individuel jusqu’à un niveau disciplinaire, à l’enseignement et dans le fonctionnement institutionnel : aucune position d’extériorité ou de surplomb ne nous est possible. Sensible, car nous mobilisons nos sens pour analyser et agir dans chaque situation de recherche où nous nous investissons. Loin du fantasme positiviste de l' »objectivité », le corps et la perception du chercheur restent ses instruments de mesure.