A propos de la « Liste des 600 gauchistes complices de l’islam radicale qui pourrissent l’université et la France »
3 mars 2021Une « Liste des 600 gauchistes complices de l’islam radicale [sic] qui pourrissent l’université et la France » circule sur le net. Elle a été dupliquée sur divers blogs, sur Tweeter, etc. Voici ce qui semble à l’origine de cette circulation : https://philippe-boyer.eu/liste-des-600-gauchistes-complices-de-lislam-radicale-qui-pourrissent-luniversite-et-la-france/ On remarquera le subtil (hum…) dessin de Riss (Charlie Hebdo) qui vient en appui à cette rhétorique.
Elle s’accompagne du commentaire suivant, au français plus qu’approximatif : « Cette liste contient les noms des personnes, toutes payées par l’état donc par l’impôt des français, souvent fonctionnaires, pour éffectuer d’hypothétiques recherches qui n’intéressent qu’eux-mêmes et la sphère gauchiste plus ou moins radicale. Ces recherches, dont tout le monde se fiche éperdument qui n’ont , dans la dans grande majorité des cas, aucune utilité, servent à développer les théories qui ont pour unique but que de faire avancer l’islam et par conséquent le radicalisme islamique à l’université en particulier et en France en général. »
Cette rhétorique fascisante – le dispositif de la liste a été amplement analysé comme inhérent à la pratique fasciste, nazie, et collaborationniste – désigne à la vindicte populaire non pas des « islamo-gauchistes » (puisque cela n’existe pas), mais les signataires d’une pétition diffusée sur Le Monde et destinée à défendre les libertés académiques contre le projet de police de la pensée universitaire prônée par une poignée de collègues réactionnaires. Il se trouve que je fais partie de cette liste d’« islamo-gauchistes », avec bien d’autres collègues ayant signé la pétition du Monde…
On voit là l’effet direct des vomissures médiatiques de Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer, ainsi que de la complaisance de bien des journalistes à l’égard de leurs diatribes – y compris sur France Culture, tombée bien bas depuis que Guillaume Erner y sévit.
Les personnes désignées dans cette liste devront-elles demander une protection fonctionnelle à leurs universités pour éviter la mésaventure arrivée à Eric Fassin, qui a été menacé de décapitation par un activiste d’extrême droite en raison de son supposé « islamo-gauchisme » ?
Il est plus qu’urgent que Frédérique Vidal démissionne, ou qu’elle soit démissionnée, car ses propos indignes, directement inspirés par l’extrême droite, mettent en danger des centaines de collègues. Il reste que, démission ou pas, ce qui est inquiétant c’est l’univers mental dans lequel les politicien.ne.s du régime Macron évoluent. Leur haine assumée du travail de connaissance scientifique, du débat rationnel et des exigences critiques fait froid dans le dos et annonce les heures sombres à venir.