Balance ton rapport (photos et vidéos) : tout le monde déteste l’HCERES
30 janvier 2020Aujourd’hui 30 janvier 2020, j’ai participé avec une centaine de collègues universitaires, doctorant.e.s et étudiant.e.s, à une action à l’université Paris Diderot en protestation contre la réforme des retraites, les réformes Blanquer (lycées) et le projet de loi de Programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) : toutes ces réformes sont en effet liées par leur caractère systémique, autoritaire (aucun débat n’est possible), et ultra-libéral. Il s’agit de mettre en coupe réglée l’ensemble des services publics au profit du seul marché, en cassant les principes de solidarité et de collégialité de nos métiers. Ces réformes, issues de la radicalisation violente du libéralisme gouvernemental et entrepreneurial, sont toutes profondément injustes et inégalitaires. Elles vont accentuer la précarité et le centralisme bureaucratique partout où elles s’appliqueront. C’est pourquoi nous les refusons toutes en bloc, et c’est aussi pourquoi nous revendiquons non pas l’immobilisme, mais un débat authentique et un renforcement des solidarités et des collégialités contre la mise en concurrence de tous contre tous.
Lors de cette action interprofessionnelle, il y a eu jonction entre plusieurs cortèges sur l’Avenue de France : université, personnels du rail, enseignant.e.s des lycées et collèges et personnels hospitalier. Enfin, l’action des universitaires et étudiant.e.s s’est terminée devant le bâtiment de l’HCERES (Haut Comité à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur) par un jet symbolique de rapports de recherche et d’évaluation devant la porte fermée à double tour de cette institution.
Pour celles et ceux pas très au fait du volapuk universitaire, L’HCERES, pour reprendre l’expression ironique de pas mal de collègues quand leur labo ou leur formation est évaluée par cette bureaucratie, c’est les « bœuf carottes » de l’université. Alors que nous passons notre temps à rendre des comptes et à nous évaluer constamment les un.e.s les autres, l’HCERES en rajoute une couche tous les 5 ans, sur la base de critères que nous ne partageons pas et qui n’ont jamais été sérieusement débattus. Et ces évaluations sont fantastiquement chronophages : pour chaque labo ou chaque formation, elles imposent à des dizaines d’universitaires de travailler durant des mois pour justifier de leur métier au lieu de le pratiquer… L’HCERES n’a donc de cesse de nous empêcher de faire notre travail d’enseignant.e.s et de chercheurs par son harcèlement bureaucratique, et par son adhésion aux dogmes de la compétition et de l’autoritarisme managérial.
En tant que chercheurs et chercheuses, nous savons pourtant que c’est la collaboration et l’auto-organisation qui favorisent la créativité dans la recherche et l’enseignement supérieur. De même que nous savons toutes et tous que ces réformes vont à l’encontre des urgences écologiques et de la préservation de la viabilité de la planète. En effet, comme l’a rappelé récemment le Réseau Thématique « Sociologie de l’environnement et des risques » (RT 38) de l’Association Française de Sociologie, « aucun progrès sur le plan environnemental ne sera efficient sans véritable progrès social« . Et comme le soulignent également les sociologues de l’environnement, on ne peut se satisfaire :
- Ni de la réforme des retraites actuellement induite par les fonds de pension – ce sont les mêmes organisations, tournées vers le profit à court terme, qui détruisent les conditions d’un monde viable.
- Ni de la Loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui entrainerait des régressions sociales importantes et limiterait de fait les contributions pourtant nécessaires des chercheurs.es à l’analyse des enjeux sociaux et environnementaux.
Fait symptomatique et assez comique, au retour de cette action qui se situait au siège de l’HCERES, pas très loin du bâtiment Olympe de Gouge de l’université Paris Diderot, la présidence de l’université – ou peut-être les services de répression… pardon… de sécurité de l’université – paniquée par la horde de vandales anarcho-punks au couteau entre les dents et au bâton de dynamite entre les mains qu’elle devait fantasmer à notre sujet, avait verrouillé toutes les grilles de l’entrée du bâtiment, et bloquait donc elle-même la circulation des étudiant.e.s et des collègues. En fait, il y avait une majorité de bac + 10, de professeur.e.s et de maitre.sse.s de conférences, de doctorant.e.s et d’étudiant.e.s, dont on sait parfaitement qu’ils et elles ne sont pas des adeptes du cocktail Molotov, mais plutôt de l’argumentation rationnelle et de la bonne vieille disputatio. Mais dans l’université de Paris 2.0, très « disruptive », « communicante », « inclusive » et « win-win », il n’est pas question d’argumenter avec les enseignant.e.s et les étudiant.e.s : on bloque les accès de manière autoritaire et on appelle la sécurité. C’est lamentable, et ça en dit long sur les conceptions de la démocratie qui sévissent au sein de la présidence de cette université qui devient un lieu d’internement dès qu’un débat pourrait se mettre en place. Il est temps de dégager ces pompeux cornichons !
Mais assez de texte ! Voici les photos de cette après-midi festive et mobilisée. Cliquez sur les images pour accéder à la visionneuse plein écran. Plus bas, vous avez une vidéo du lancer de rapports :