Numérisation et mise en ligne du « Module Enragé de paris 7 » (critique de science)
11 février 2019J’ai le plaisir de vous signaler que les numérisations du Module Enragé de Paris 7 sont désormais en ligne, à partir de cette adresse : http://science-societe.fr/le-module-enrage-de-paris-7-1975/
Il s’agit d’un journal assez éphémère, pratiquant une critique politique interne à la pratique scientifique au sein de l’université Paris 7, critique menée principalement par des « modules » lors de l’année 1975 (expression ironique d’auto-disqualification reprenant un épithète utilisé par la présidence de l’université pour désigner ses ouvriers…).
Ce journal a publié 8 numéros en guise de suite réflexive et active à une grève dure menée pour soutenir un ouvrier de l’université victime d’une mutation arbitraire par la présidence. J’avais retrouvé par hasard certains numéros de ce journal sur une étagère. Suite à cette découverte, j’ai mené une petite enquête pour tenter de retrouver les acteurs de cette période, puis j’ai effectué un entretien long avec l’une de ses contributrices qui m’a donné tous les numéros manquants, ainsi qu’une centaine de tracts et d’affiches de cette même époque. C’est la seule personne que j’ai pu retrouver, plus personne ne semblant se rappeler du Module Enragé au sein de l’actuelle université Paris Diderot (Paris 7). Le service de reprographie de l’université Paris Diderot (que je remercie vivement) a gentiment accepté d’effectuer la numérisation complète des numéros, ainsi que des tracts et affiches. Je n’ai pour le moment mis en ligne que le journal, et je mettrai plus tard en ligne le pdf des tracts.
Ce corpus constitue un nouvel apport à l’histoire des luttes politiques et sociales au sein de l’université française, ce journal étant assez singulier dans l’ensemble du corpus des revues de critique interne des sciences déjà disponibles sur notre site (Labo Contestation, Impascience, Survivre et vivre) dans la mesure où il est le seul à avoir été animé non par des enseignants chercheurs, mais par des ouvriers, des techniciens et des personnels administratifs de l’université. Des chercheurs et enseignants chercheurs y étaient cependant publiés. La ligne politique était assez clairement anarchiste. D’une certaine manière, c’est la première fois (à ma connaissance) que les subalternisés de l’université éditaient un journal présentant leur point de vue non médiatisé par des universitaires.
Voici la manière dont Le Module Enragé se présentait lui-même, dans son premier éditorial de janvier 1975 :
LE MODULE ENRAGE : UN JOURNAL ? Ce numéro est né de la grève des ATOS d’octobre-novembre 1974, sur l’initiative de quelques camarades qui y participèrent, C’est une tentative de bilan, ou, plutôt, la réunion de toutes les réflexions qui nous sont parvenues sur le déroulement et l’issue de cette grève. Inutile pour le lecteur de chercher une ligne politique commune aux articles publiés ici, il n’y en a aucune. Ce journal est ouvert à tous les membres du personnel qui ne disposent pas d’autres moyen d’exprimer par écrit leurs opinions, leurs problèmes, leur révolte… Nous espérons que d’autres numéros paraitront, et ils paraitrons si tous ceux qui en ont le désir nous communiquent leur création sous la forme qui leur plaira : dessins, chansons, lettres, articles même squelettiques, etc. Il n’est pas dit que nous serons toujours et partout des modules sans pouvoir sur notre vie… Guy
POURQUOI UN JOURNAL A JUSSIEU ? Le journal aura pour but de donner la parole à tout le personnel de Jussieu qui pense que tout ne va pas aussi bien qu’on veut nous le faire croire (exemple : les avancements, l’hygiène, la sécurité, les mutations autoritaires, la restructuration de la Fac, les auxiliaires, les salaires, la cantine qu’est des fois dégueulasse, etc…). Le canard ne serait pas un journal de professionnels mais il serait le journal de ceux qui veulent prendre leur information et leur lutte en mains, et qui savent que c’est dès aujourd’hui qu’il faut commencer. Pour lutter collectivement, il faut se connaitre et le canard pourrait servir à cela. Le canard sera ouvert à tout individu qui veut écrire ou critiquer des articles. Des points comme : changer la vie, créer de nouveaux rapports entre nous, la sexualité, l’école, etc…, seront abordés dans le canard. Il faudrait que des réunions d’AG des lecteurs se fassent pour critiquer ou suggérer des articles pour les prochains numéros. Il doit nous servir à préparer nos prochaines luttes pour que nous les prenions nous-mêmes en mains et que nous ne laissions pas les délégués et élites des syndicats ou organisations politiques les accaparer. Il faut que ce soit la base qui décide ! L’ÉMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L’OEUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES. Des points comme : la culture, le quartier, l’enseignement, la pollution, l’armée, les immigrés, la lutte des femmes, la sexualité, etc…, doivent être pris par nous, travailleurs, alors qu’on les avait laissés de côté-jusqu’à maintenant. Lutter contre l’exploitation, l’aliénation, c’est rompre d’abord et savoir qu’ensemble tout est possible. Jean-Claude
Bonne lecture, et bonne année 1975… heu… ah, non, on me signale qu’on est en 2019 ! Ah, ok, mais c’est qu’en lisant le Module Enragé, je ne trouvais aucune évolution positive au sein de l’université française…
L’émancipation reste à venir…