En l’honneur des morts de Charlie, je n’irai pas marcher dimanche dans Paris

En l’honneur des morts de Charlie, je n’irai pas marcher dimanche dans Paris

9 janvier 2015 4 Par Igor Babou

B6wLoAvIEAAMZED.png largeManuel Valls ( “Belle image de la ville d’Evry. Tu me mets quelques blancs, quelques white, quelque blancos”), Nicolas Sarkozy (“Casse toi pov’ con”), Angela Merkel (qui dénonce par avance le vote démocratique en Grèce), David Cameron (qui veut lutter contre la libre circulation en Europe, surtout celle des Roms et des pauvres), Mariano Rajoy (le conservateur libéral soupçonné de corruption), Matteo Renzi (“Je ne vais plus perdre mon temps avec les syndicats”), et sans doute beaucoup d’autres défenseurs ardents de l’impertinence, de la liberté d’expression et du dialogue social, dont François Hollande qui avec son gouvernement a couvert les agissement des CRS et les lancers de grenades offensives qui ont tué Rémi Fraisse, après avoir refusé d’entendre les arguments légitimes des militants écologistes, bref, tout ce charmant petit monde de joyeux contestataires authentiquement épris de liberté et d’humour potache, tous ces gens qui sont à l’origine de politiques d’austérité toujours plus libérales, de politiques sécuritaires toujours plus racistes, de la destruction des services publics, de l’anéantissement de l’université et de la recherche européenne et des lieux de savoir, d’émancipation et de culture qui sont au fondement du lien social, tous ces adeptes de stratégies rhétoriques de tension, largement exploitées par les médias, et qui attisent les communautés les unes contre les autres depuis des décennies pour des objectifs électoralistes, tous ces acteurs du retour à l’ordre moral, tous ces amoureux du patronat, tous ces gestionnaires de la montée des extrémismes vont se retrouver dimanche en tête d’un cortège d’unité nationale en l’honneur des morts de Charlie Hebdo. C’est proprement révoltant. A vomir. Je n’aurai qu’une réaction : ne pas m’associer à une telle mascarade. Libre à chacun d’agir comme il le souhaite : je ne prétends pas adopter la seule position morale légitime, mais je me tiendrai à distance.

Ça ne m’empêchera pas de penser à tous les morts de cette semaine, pas plus que ça ne fera de moi un adepte des amalgames entre le fanatisme islamo-fasciste et le monde musulman, ou même religieux en général. Le moment unitaire protocolaire passé, il est évident que la reprise en main sécuritaire de la société française sera menée à bien par ces mêmes politiciens aux ordres du MEDEF, et que nos compatriotes un peu trop bronzés, ou un peu trop émancipés et rêvant d’un autre monde, en seront les premières victimes.

Les morts de Charlie, dessinateurs comme employés, auraient certainement détesté cette idée d’une marche d’unité nationale : rien ne saurait être plus opposé à leur esprit libertaire. Qu’ils reposent en paix… Oups !, pardon : disons plutôt qu’ils partouzent en paix et qu’ils foutent le bordel là où ils sont ! Et si on veut leur être fidèles, conchions ensemble les prophètes de malheur et les politiciens récupérateurs !