A propos de “culture et civilisation” : le bling-bling à l’université de La Réunion

A propos de “culture et civilisation” : le bling-bling à l’université de La Réunion

21 septembre 2012 0 Par Igor Babou

Frédéric Mitterrand intervient samedi 22 septembre à l’Université de La Réunion sur le thème “Culture et civilisation”. D’après l’annonce de cette conférence, “Chaque année depuis trois ans, les organisateurs du Grand Forum permettent aux étudiants de l’Université de La Réunion d’échanger avec un interlocuteur prestigieux. Après Claude Allègre et Eric Le Boucher, c’est au tour de Frédéric Mitterrand, ancien Ministre de la Culture, d’animer une conférence sur le thème « Culture & civilisation ».”

Pour tous ceux qui travaillent sérieusement en sciences humaines et sociales sur des notions aussi complexes que celles de “culture”, et qui ont abandonné depuis des lustres l’idée que le mot “civilisation” pourrait encore avoir un sens scientifique précis, cette intervention a un goût amer : de toute évidence, n’importe quel people considéré comme “prestigieux” par les communicants de l’université a les compétences nécessaires pour débattre de n’importe quel thème, et peu importe qu’il n’ait jamais mené la moindre recherche sur ce thème, ni publié une ligne dans aucune revue scientifique. Le “prestige” semble suffire. On aurait pourtant pu imaginer des invités au moins aussi prestigieux, mais parfaitement compétents et internationalement reconnus : d’Edgar Morin à Philippe Descola (qui vient d’obtenir la médaille d’or du CNRS), les conférenciers potentiels n’auraient pas manqué… Mais non, la logique des universités post-LRU, on pourrait dire “post-apocalypse”, n’est pas celle du savoir, mais celle du paraître : faut du buzz coco ! De l’épate ! Du bling-bling ! Le savoir ? Laisse ça aux dinosaures ringards qui peuplent les salles de cours, qui mènent des recherches, qui publient, et qui organisent des colloques ! Laisse ça aux guignols qui se font évaluer par l’AERES et qui rendent des comptes à une bureaucratie scientifique qui vérifie leur impact factor et le rang des revues dans lesquelles ils publient ! Ces tocards – comment dit-on déjà ? ah oui : des “scientifiques” ! -, ces tocards, donc, n’intéressent plus personne à l’université.

On préfère servir aux foules ébahies de l’Allègre au kilo (un ancien ministre, faussaire et plagiaire), et du Mitterrand à la tonne (encore un ancien ministre, qui a été membre d’un gouvernement qui a pratiqué le racisme et la xénophobie d’État, et qui a mis en place des lois répressives destinées à privilégier l’industrie culturelle et son marché de dupes au détriment de la créativité artistique : quel pédigrée pour parler de “culture et civilisation”…).

Le savoir n’a donc sa place à l’université que dans les interstices, où il est concurrencé honteusement par des faussaires et de causeurs.

Si nous souhaitons que l’université reste un lieu d’élaboration, de discussion, et de transmission de savoirs vivants, nous devons refuser toute légitimité à ce type de parole et à ces conférences de complaisance.